« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Pour parler aux mouettes


 

 

 

 

 

est la Chine

Traversée sac au dos

 

De cantines grasses

En boutiques

Encombrées de vélos

 

Et l’Inde brumeuse

Aux échoppes

À thé

 

Sur le bord du trottoir

À deux pas du barbier

Et d’un vieux sage nu

 

Et le Yang Tsé

Qui porte les bateaux

Ainsi que des colliers

De perles sur l’épaule

 

Et des radeaux

Avec des hérons

Patients sur leur proue

 

Le Mékong

Comme un bandeau

De front tenant la forêt

 

Et le Gange

Comme la peau

D’un beau cul sous le

Sari trempé

 

Le Saint-Laurent

Qui va prendre la mer

 

Comme on met

La table d’un banquet

D’amis

 

Le plat Mississipi

Et l’Amazone touffu

 

Dans les rouges velours

Du coucher de soleil

D’un opéra

 

L’Escaut

Où sont rangées

Les boîtes de conserves

 

De la chimie et du pétrole

 

Et le Rhin

Aux péniches écumeuses

 

Et la Meuse

Aux écluses paresseuses

 

Et le Rhône

Aux cheveux attelés à des

Nuages bleus

 

Et le Danube

Aux larges jupes en vols

De migrateurs

 

Et le Nil

Où embarquent les morts

Et le reste que j’ignore

 

Et la Loire souveraine et

Tranquille

Où je m’assieds les pieds

Dans l’eau

 

Sur les cailloux obliques

Et usés
 

Pour parler aux mouettes

 

Moi qui ne vais plus que

Du jardin au dictionnaire

 

Et d’un amour au même

 

Comme l’eau

Dans l’eau qui se poursuit

Elle-même

 

 

Werner Lambersy / Conversation à l’intérieur d’un mur (extrait)