« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Oraison du soir


 

 

 

Je vis assis, tel un ange aux mains d’un barbier,

Empoignant une chope à fortes cannelures,

L’hypogastre et le col cambrés, une Gambier

Aux dents, sous l’air gonflé d’impalpables voilures.

 

Tels que les excréments chauds d’un vieux colombier,

Mille Rêves en moi font de douces brûlures :

Puis par instants mon cœur triste est comme un aubier

Qu’ensanglante l’or jeune et sombre des coulures.

 

Puis, quand j’ai ravalé mes rêves avec soin,

Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,

Et me recueille, pour lâcher l’âcre besoin :

 

Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,

Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,

Avec l’assentiment des grands héliotropes.

Arthur Rimbaud / Poésies<