« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

je n’ai pas fini de rire comme autrefois


 

 

 

 

 

je n’ai pas fini de rire comme autrefoi

ni d’écrire en rêve aux belles endormies

non je n’ai pas fini mais la maison s’éloigne

seule et vide emportée par les bras du vent

 

la maison tout enclose en son décor de bois

rustique avec ses tables sombres et lumineuses

et l’éclat des bols peints qui charment les enfants

le parfum des myrtilles et du sapin de Gueldre

 

la bruyère penchée le sable du jardin

le mauve et l’ocre clair que confondaient les soirs

lorsque je m’échappais afin de retrouver

la traîtresse Mara des nuits onder de toren

où luisaient des yeux verts et des ongles carmin

 

et les filles chantaient des airs de Sumatra

pour les marins gavés de vieux genièvre

Mara veux-tu danser dans la maison s’est perdue

au-delà de la dune avec des marins ivres

 

et je n’ai pas fini de m’égarer la lande

d’hiver où le vent grondant tord

les bouleaux et les pins n’a pas de souvenir

le sable glisse vers le halo sourd des lunes

 

la maison volée nul n’attend qu’elle surgisse

avec son toit de chaume et ses lampes fidèles

sinon celui qu’un jour je fus ici, vivant

Jean-Claude Pirotte / Passage de ombres / la fable des ombres (extrait)
Illustration : Jean-Claude Pirotte, photo Louis Monier