« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le bel âge 1955


 

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Où sont tous les vivants qui me disaient bonjour

dans un Paris qui ne meurt jamais entre mes mains ?

Une ville raidie d’où jaillissaient mes faims,

Paris qui somnolait au fond d’anciennes cours.

 

Je me revois suivant son fleuve, ses boutiques ;

je passais, elle m’égarait, je surprenais

son immense roulis et ses proches musées

et ses églises dont mon pas lui donnait leur musique.

 

J’étais hargneux, je me croyais banni

et je ne saluais personne dans ses rues.

On me prenait pour un passant qui n’en peut plus

et je mettais des marronniers dans mes récits.

 

Où sont tous les enfants que je voyais à peine

quand le temps les bouscule en jouant au ballon ?

Tout doucement, Paris gardait sa vieille haleine

et le soir arrivait dans un métro trop long.

 

Bonjour tous les amis qui me cherchaient querelle

ou, en riant, me menaient au Café.

J’entends le cri des martinets, de leurs appels :

je jette ce miroir où je me sens si frêle.

Jean Cayrol / Chacun vient avec son silence - Anthologie