« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Mes vœux


 

 

 

 

A l’arrache quelques dernières emplettes

Ce soir réveillon chez Nénette

Le magasin est archi-plein et j’ai faim

Le vide du frigo, en ma maisonnette

M’avait fait comme un tremplin.

Au pas de course, j’explose ma bourse

De fruits, de cocktails et autres bagatelles

Sans oublier les courses pour la semaine

Voire même peut-être carrément l’essentiel

Cruellement, papier toilette ayant manqué

J’en prends deux énormes paquets…

 

Patient à la caisse, conscient de la baise !

Vidant mon caddie sur la noirceur du tapis

Cherchant dans ma tête rien qu’un mot gentil

Pour cette nana là, bloquée là, sur ses fesses !

Défilent sans cesse sans que rien ne la prsse

Dans la gestuelle, les bouteilles, la mortadelle,

Le sel, tout passait comme par une manivelle.

 

Les gros paquets d’papier toilette

Ne voulant passer dans l’habitacle

Il s’en eut fallu que ce soit un miracle

Hé non ! Elle s’extrait de son mitard :

Le code barre est dans un endroit bâtard

Je l’imagine me sortir d’un air moraliste

« Je sais bien ce que vous allez en faire !

Des rouleaux de papier ou s’laver le cul,

Ah monde civilisé, tu brilles mais tu pues… »

 

Ma pensée reste interdite à la phrase qu’elle n’a pas dite

Et du paquet en considérer le contenu

Compulsivement, presque je lui crie :

« 2010, wahou ! ça va chier !!! »

Peplexe, dans son esprit sans cesse repassé

Comme un ange qui n’en finit pas de trépasser.

 

Se ressaisit, et du deuxième paquet inerte,

Scrutant le code barre de manière experte

Plus que d’être un message intra sidéral

Je la voyais m’auscultant le trou de balle…

Encore en moi… les bons mots, je cherchais

Pour tout un chacun l’année s’achevait…

 

La sentant d’un genre comme qui dirait frileux,

Cherchant comment lui présenter mes vœux,

M’a souri, ses yeux dans les miens, n’a rien dit

Mais clairement j’ai entendu : « C’est fait ! Merci ! »

Et moins clairement j’ai cru : « Trou du’c… »

Patrice Louise / Ah, ça déchire !