M’man à quatre-vingt-neuf ans
Par domcorrieras, le lundi 1 août 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
Aujourd’hui
à la résidence
je lui ai lu un de mes trucs récents
qu’elle a écouté en tendant l’oreille
les yeux plissés
Ma bouche mitraillait savamment les syllabes
sous ces yeux gris acier d’une perfection intacte
Dans le temps elle était directrice littéraire
elle a tellement lu — elle en sait plus long sur les livres
et la poésie
que je ne pourrai jamais espérer en savoir
Au bout de cinq minutes je lève les yeux et fais :
« Alors qu’est-ce que tu en dis ? »
Elle a l’air égaré
dix mille rides sillonnent son front et s’en vont —
et reviennent
« Tu as toujours ce boulot de vente par téléphone ? »
me demande-t-elle
« Non m’man j’ai arrêté de bosser dans la journée
maintenant je ne fais plus qu’écrire »
« Eh bien retrouve du travail bon Dieu
et aide-moi à me lever
— il faut que j’aille aux toilettes »
Dan Fante / Bon baisers de la grose barmaid
traduit de l'anglais (États-Unis) par Patrice Carrer