L’intervalle
Par domcorrieras, le mardi 12 juillet 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
Comme la main ouverte avec toutes ses lignes,
Et ce renflement faible à la base du pouce : telle est
la Terre
Où nous, voyageurs expulsés des triages d’étoiles,
Invités à franchir la haute verrière de la mort,
Nous trouvons un moment de repos, de quoi boire et bâtir
Sous le ciel arrondi comme un sein qui nous allaite
O bleu spirituel ébloui d’oiseaux, recueilli par les flaques,
par nos fenêtres
Et par les yeux des animaux que nous mangeons.
Le temps même nous est donné de nous connaître un peu
Dans la claire épaisseur du buisson de parole ou,
sans un mot,
Par le tranchant du couteau sur la gorge, et le commerce
Illicite du sang sous le drap pur et béni des noces.
Car au flanc de l’épouse aussi voyageuse, la nuit
Qui nous crache s’est faite infiniment désirable,
Et la pulsation du vide entre les mondes se prononce
Avec la douce lèvre humide et le cri qu’elle étouffe.
Et sans cesse aux deux bords du séjour battent
ces portes, mais
Le ciel demeure clos sur nous comme une mère,
Et l’intervalle de lumière où nos os blanchiront
Dessine avec notre ombre sur le sol qui nous élève
Sa tremblante et secrète miséricorde.
Jacques Réda / Amen