« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Silencieux


 

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Silencieux.

Renfermé.

Le visage tuméfié.

Mal rasé.

Peau d’un rouge noirâtre.

Un long manteau gris dépenaillé.

La gorge nue malgré le froid.

Souliers crevés.

Les mains sont enduites de crasse.

Titubant.

Rasant le mur qu’il heurte de l’épaule.

Chancelant.

Il bute.

Se rattrape.

Les mains en avant.

S’arrête.

Se tient très droit.

Regarde ses pieds.

Repart.

Il tombe.

Sur les genoux.

Se ramasse.

S’adosse au mur.

Buée du souffle.

Les yeux se ferment.

Le corps glisse peu à peu le long du mur.

Le dos du manteau se déchire.

Assis.

Une jambe étendue.

Une jambe repliée.

Bras sur le ventre.

La tête tombée.

Une jeune fille fait un détour.

Un homme enjambe.

Présence effacée.

Neuf moineaux au bord d’un toit.

Un camion qui fait difficilement demi-tour.

Une femme qui asperge d’eau le trottoir devant

    l’entrée de son magasin.

Plusieurs personnes qui descendent de l’autobus.

Louis Calaferte / Le Monologue 
photo JeanPierre Favreau