LA TERRE
Par domcorrieras, le samedi 11 juin 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
Ni maudite
ni coupable
à l’aile noire,
la terre, étincelante de rosée,
n’est pas un duvet,
n’est pas un matelas
pour les déshérités,
pour les condamnés,
pour les proscrits,
pour les hommes à genoux,
pour les vaincus.
La terre tourne, tourne
et s’occupe en outre
de petits problèmes :
réduction de la mortalité,
augmentation de la natalité,
elle se bat pour la fission
de ses propres atomes,
elle se bat pour redresser
les bossus dans leur tombe.
La terre apprend à danser la polka
entre les murs de ma chambre.
Toute-puissante
elle monte devant moi
de vieilles mise en scène
de terreurs hurlantes
mêlées aux vérités évidentes
aux arrêts de tramways
sur les places
et devant les cimetières
où retentit le cri des furies :
— Vive Niké, la déesse ailée,
la déesse décapitée !
Joseph Brodsky / Collines et autres poèmes
traduit du russe par Jacques Marie