« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Ode


 

 

 

 

 

 

Un corbeau devant moi croasse,

Une ombre offusque mes regards,

Deux bellettes, et deux renards,

Traversent l’endroit où je passe ;

Les pieds faillent à mon cheval,

Mon laquay tombe du haut mal,

J’entends craqueter le tonnerre,

Un esprit se présente à moy,

J’oy Charon qui m’appelle à soy,

Je voy le centre de la terre.

 

Ce ruisseau remonte en sa source,

Un bœuf gravit sur un clocher,

Le sang coule de ce rocher,

Un aspic s’accouple d’une ourse.

Sur le haut d’une vieille tour

Un serpent deschire un vautour,

Le feu brusle dedans la glace,

Le soleil est devenu noir,

Je voy la lune qui va cheoir,

Cet arbre est sorti de sa place.

 

1621

Théophile de Viau (1590-1626)