« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

PROLOGUE DE CONCLUSION

 

 

 

 

 

Du mur

Obscur exutoire

Des revenants des victoires

La mygale s’écrase aux faces soleils des tambours

Par la gloire et la mort de ses doigts noirs battoirs !

 

Le quadruple coin de la cloche s’accroche aux lointains

Tintant le glas lourd, gourd et sourd des prières d’étain.

 

L’enfant drapé de la pourpre et du sang du Christ mourant

Sur son front a des fleurs de la vierge couronne écran

Et la croix sur l’épaule en militaire dans le rang.

 

Et Jean-Baptiste enfant va rose et nu sous le ciel bleu

Avec à ses pieds blancs des sandales couleur de feu;

La peau du mouton bêlant vêt le prophète de Dieu.

 

On égorgea les fleurs sur la route des innocents.

Le barrissement des tambours fait envoler le sang

Que brouta la biche de Geneviève de Brabant.

 

Marchez aux reposoirs vers le calvaire et l’abattoir !

L’hermine rouge a brodé la peau de la terre noire,

Les hoquets des tambours tremblent sur le sable mouvant;

Sous son armure de pavés, l’enfer guette rêvant.

 

Les suisses diables chamarrés fourchus sous leurs habits

Lèvent le couperet de leur grand chapeau de rubis.

Les vents de morts tirent aux dés tous les décès de l’an

Par les cloches tric-trac au son du batail roulant,

Et le portrait bénit de ses doigts unis les allants.

 

 

 

On a tendu toute la rue avec des linceuls blancs,

L’escarpolette des guirlandes haut s’en va volant.

 

Paix ! le sonneur avec ses deux cloches sonne le glas

Égouttant les deux verres sur la terre à chaque pas,

Et sous son crâne rit l’heure qui a fui du cadran.

Il s’en va et tintant par le blanc de la place;

Dans les deux mortiers du vieux voleur les pilons se glacent.

 

Malgré le nombril de midi où dort le coq sur le clocher

Sous le cristal de l’œil de l’oiseau couronné perché

Éditant ses pas à rebours furtif il les efface.

 

Du mur

Obscur exutoire

Du silence à rebours sort des revenants des victoires…

Par le tic-tac de gloire et de mort de ses doigts noirs battoirs

La mygale s’écrase aux faces des Tambours.

Alfred Jarry / Les Minutes de sable mémorial