« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

COMME SI J’ÉTAIS JOYEUX

 

 

 

 

Comme si j’étais joyeux, je suis revenu. J’ai sonné

à plusieurs reprises à la porte et attendu…

J’avais peut-être tardé. Personne ne m’a ouvert.

Pas un souffle dans le corridor.

Je me suis souvenu que j’avais les clés

de ma maison

et je me suis excusé de moi-même :

Je t’ai oublié. Entre !

Nous sommes entrés. Dans ma maison,

j’étais l’hôte et l’invité.

J’ai regardé le mobilier du vide,

n’ai trouvé aucune trace

de moi. Peut-être… peut-être n’ai-je jamais été là.

je n’ai trouvé aucune ressemblance

dans les miroirs.

Je me suis demandé : Où suis-je ?

et, en vain, j’ai crié pour me réveiller

de ce délire…

Je me suis brisé telle une voix qui a roulé

sur le dallage. Je me suis dit : Pourquoi ce retour ?

Et je me suis excusé de moi-même : Je t’ai oublié.

Sors !

Mais je n’ai pas pu. Je me suis dirigé

vers la chambre à coucher,

alors le rêve a couru vers moi,

m’a enlacé et demandé :

As-tu changé ? J’ai changé, car mieux vaut mourir

à la maison qu’écrasé par une voiture

en chemin vers une place déserte !

Mahmoud Darwich / Comme des fleurs d’amandier ou plus loin
Illustration : Mahmoud Darwich par Annick