« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

L'étranger de La Colle s/ Loup


 

 

 

Je vous ai demandé 

gens aux sang froid

mon chemin d'aventure

l'allégorie nomade 

n'en finissait plus

de se dissoudre 

derrière vos fronts plombés

n'en finissait plus 

de tirer les rideaux 

des théâtres du sang 

vous me regardiez 

avec cette méfiance

où se blottissent les chiens

lorsque l'ombre se fronce

et que la nuit s'étend

sur le corps des mourants

Je ne vous demandais 

que la moindre parole 

l'attentive la sibylline

vous restiez cloués 

à chaque carrefour 

avec le coeur lourd 

comme si la vie espérée

n'avait cessé de vous manquer

je n'avais rien d'autre 

que cette flamme blessée

ce chant discontinu 

pour répondre à vos silences 

je n'étais pour vous 

qu'un étranger impromptu

dans la poussière peureuse 

de vos carrières doucereuses

une métaphore un peu ivre 

un grain d'orge amer 

une tâche d'encre sur la page 

de vos enfances décimées.

André Chenet / La Colle s/ Loup, In "Avant de partir"