« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

DÉDICACE

 

 

 

 

 

Ces pages seront aussi pures

que l’éventail de ramures

dormant en tes yeux

comme le vol de tulias jaunes

qui tourneront en semant des jardins d’après-midi

quand l’air les touche.

 

Elles seront brunes comme des prunes

aromatisées

et comme des paniers de fruits d’arbre à pain

à peine coupés des arbres.

 

Ces pages me feront dire ton nom

et un espace d’étoiles

prendra la parole ;

et un mur de zinc

où le ciel bleuira

un pont millimétrique

entre l’eau et le miroir,

un pressentiment qui est sentence

elles armeront une mer opalescente

qui apparaît

et disparaît,

et qui circule très lentement

d’une syllabe à l’autre.

 

Elles seront comme la mandarine

qui éclate dans la bouche :

une averse de fraîches épines

là où se balance doucement

la pointe d’une rafale de gel.

 

Elles seront des coups d’ailes géographiques

et comme la fumée nécessaire de la nuit

elles envelopperont les choses et la rue.

elles existeront

parce que tu les rempliras,

blessure à travers les petites taches de l’encre.

Non, pas une blessure,

la dague d’une comète

ou le dessin paisible,

indomptable d’une balançoire.

Ethel Krauze
traduit de l’espagnol (Mexique) par Denys Bélanger