« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

COQUILLAGES


 

 

 

 

Frayez-vous un passage

à travers le jade noir

    des coquilles de moule aile-de-corbeau, l’une

    ne cesse

    de mettre en ordre les tas de cendres ;

    s’ouvrant et se fermant comme

 

un

éventail endommagé.

    Les bernacles qui incrustent le

    côté

    exposé à la vague ne peuvent se dissimuler

    là car les rayons submergés du

 

soleil

se séparent comme du verre

    filé, pénètrent avec la rapidité d’un pro-

    jecteur

    dans les fentes…

    entrent, sortent, illuminant

 

la

mer turquoise

    des corps. L’eau insère un

    coin

    de fer dans l’arête de fer

    de la falaise, où les étoiles de mer,

 

roses

grains de riz, méduses

    mouchetées d’encre, crabes tels

    des lys

    verts et des champignons

    sous-marins, glissent l’un sur l’autre.

 

Toutes

les marques

    extérieures de violence sont là sur

    cet

    édifice provocant…

    tous les traits physiques de

 

l’ac-

cident, absence

    de corniche, rayures de la dynamite, brûlures

    et

    coups de hachette, tout cela ressort

    en relief là-dessus ; le côté du gouffre est

 

mort.

Maintes fois

    la preuve a été faite qu’il peut

    vivre

    de ce qui ne peut faire revivre

    sa jeunesse. La mer, au-dedans, y vieillit.

Marianne Moore. traduit de l'anglais (américain) par Maurice Le Breton.