« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Transfert


 

 

 

 

Maintenant je sors à nouveau d’une maison du temps.

Faire autrement je ne peux pas, non, il faut que je sorte.

A peine avait-il refermé tout doucement la porte

(Il y avait des fleurs, il y avait du feu pourtant)

Je l’ai vu qui me souriait derrière la fenêtre.

J’ai tiré les petits rideaux sensibles — rouge et blanc.

Dehors aussi des fleurs et du feu : neige et ciel. Peut-être

Que nous aurions pu vivre là quelques heures, le temps

Et moi, sans rien dire, pour mieux apprendre à nous connaître.

Mais il n’entre jamais. Il bâtit sans cesse en avant.

Je l’entends de l’autre côté des collines qui frappe,

Qui m’appelle, et je ne dois pas le laisser un instant,

Mais le suivre, le consoler d’étape en étape.

Et tantôt je ne touche rien dans les maisons du temps,

Ou juste un pli qui se reforme au milieu de la nappe,

Tantôt vous comprenez c’est plus fort que moi, je descends

Tout à grands coups de pied dans cette saloperie,

Et si quelqu’un se lève alors des décombres et crie

(Parfois on dirait une femme, et parfois un enfant)

Je m’en vais sans tourner la tête, car on m’attend.

Jacques Réda / Récitatif