« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

MITLA

 

 

 

 

 

Dames du présent et de l’oubli

les fourmis parcourent

les espaces du silence

emportant des grappes de vie

vers le monde des ombres

 

Comme des vampires aux ailes ouvertes

à l’horizon, se profilent, nébuleux,

les seigneurs émaciés de la mort,

qui ne font pas d’ombre sur le sable,

ni le vent ni l’instant ne les touchent.

 

Entre les rochers brisés qu’un jour ils détruiront

sur leur cheval ancien qui un jour tombera

sans aucun souvenir des dieux éteints

ni du fleuve impassible changé en bruine

je vois le soleil couchant

 

Lentes, les ombres descendent

sur les chemins chauves du Mont Alban,

elles voyagent vers l’autre monde

à travers pierres et murets

tremblantes et froides

 

Dans le jardin délabré au bord d’une tombe

un prêtre desséché dans sa chemise grecque

jette son spectre à la poussière

et trace d’un doigt maigre

les constellations évanouies.

Homero Aridjis
traduction de Nicole Martel