LE FEU
Par domcorrieras, le dimanche 3 avril 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
Le feu,
encore une fois le feu
le feu joint à la lumière
sur le plancher
montant sur les fauteuils
traversant les fenêtres
et derrière lui le feu,
seulement le feu.
Encore une fois le feu.
Ils ne le voient pas ?
Ils ne le voient pas !
Pour eux, je suis une femme assise.
Je veux m’habiller.
Les dessous que je portais ont troué leurs mailles,
la chaleur les a vaincus,
mon corsage a déchiré sa toile,
vaincue elle aussi,
ma jupe a cassé ses fils,
en flammes je les laissai tomber…
Je veux m’habiller.
Le feu. Je n’ai rien d’autre que lui :
Je suis la dénudée, celle qui n’a pas de charmes.
Je veux m’habiller.
Je brûle mes vêtements.
Mes cheveux sont vaincus eux aussi,
mes cils, mes yeux ;
ma salive, un jour intacte,
t’attend aussi rendue, vaincue, humiliée,
pliée, agenouillée
blessée comme la vapeur
comme elle isolée
noyée dans ton attente.
Je veux m’habiller.
Aucun animal ne me ressemble
Je suis nue comme une oie
comme le lys
Aucune plante ne me ressemble
Je suis brûlée, je me consume,
impatiente,
interminablement.
Que les ânes me viennent en aide !
Que les cochons, les hérons
les rossignols, les cannes à sucre
viennent à mon secours !
Rien ne peut m’aider !
Je suis vaincue par toi !
Pour toi je me suis abandonnée !
Carmen Boullosa
traduit de l’espagnol (Mexique) par Claude Beausoleil