« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

LE FEU

 

 

 

 

 

Le feu,

encore une fois le feu

le feu joint à la lumière

sur le plancher

montant sur les fauteuils

traversant les fenêtres

et derrière lui le feu,

seulement le feu.

 

Encore une fois le feu.

Ils ne le voient pas ?

Ils ne le voient pas !

Pour eux, je suis une femme assise.

 

Je veux m’habiller.

Les dessous que je portais ont troué leurs mailles,

la chaleur les a vaincus,

mon corsage a déchiré sa toile,

vaincue elle aussi,

ma jupe a cassé ses fils,

en flammes je les laissai tomber…

 

Je veux m’habiller.
Le feu. Je n’ai rien d’autre que lui :

Je suis la dénudée, celle qui n’a pas de charmes.

 

Je veux m’habiller.

 

Je brûle mes vêtements.

Mes cheveux sont vaincus eux aussi,

mes cils, mes yeux ;

ma salive, un jour intacte,

t’attend aussi rendue, vaincue, humiliée,

pliée, agenouillée

blessée comme la vapeur

comme elle isolée

noyée dans ton attente.

 

Je veux m’habiller.

Aucun animal ne me ressemble

Je suis nue comme une oie

comme le lys

Aucune plante ne me ressemble

Je suis brûlée, je me consume,

impatiente,

interminablement.

 

Que les ânes me viennent en aide !

Que les cochons, les hérons

les rossignols, les cannes à sucre

viennent à mon secours !

Rien ne peut m’aider !

Je suis vaincue par toi !

Pour toi je me suis abandonnée !

Carmen Boullosa
traduit de l’espagnol (Mexique) par Claude Beausoleil