« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

AU VIN


 

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Dans son mètre d’airain l’Iliade te nomme

Et t’exalte, noir vin joyeux de l’homme.

 

Depuis l’aube des temps tu vas de main en main

Et du rhyton grec à la corne du Germain.

 

Tel fleuve des jours et des nuits, tu déploies

Ton beau corps acclamé des amis et des joies.

 

Toujours l’homme le long des générations

Trouva sur son chemin ta flamme et tes lions,

 

Et ta fluence patriarcale et profonde

Fleurit de ses présents la mémoire du monde.

 

Tu donnes leur envol aux strophes des soufis

Qui te surnomment fleur, cimeterre et rubis.

 

Dans ton cristal vivant le saint autel adore

Le sang du Christ en une rouge métaphore.

 

Sésame dont le nom m’ouvre d’antiques nuits,

Dans la ténèbre offrande et feu qui me conduis,

 

Sois pour d’autres l’oubli qui signe la défaite;

Je te veux la ferveur, le partage et la fête.

 

T’appellerai-je un jour, vin du rouge péril

Ou de la mutuelle amour ? Ainsi soit-il.

Jorge Luis Borges / L’autre, le même II
Photo : Jorge Luis Borges by Diane Arbus