2. LAMENTO
Par domcorrieras, le vendredi 5 février 2016 - Poèmes & chansons - lien permanent
1979
je suis seule
oubliée malade usée
ma pauvre tête saigne
se vide et s’emplit
d’images étranges
rêves qui reviennent
jamais celui que j’attends
des serpents
fourmillent
se reproduisent
s’avalent eux-mêmes
glissent et sifflent au-dessus de ma tête
m’assaillent dans mon bain
eau teinte de sang
la tête coupée parle
ou d’autres fois chante
une mélopée grave et sensuelle
des femmes vociférantes
lacèrent la tête ainsi exhibée
avec des aciers tranchants
soudain
dans l’œil bleu étonné
je reconnais
mon Serge Bien-Aimé
je ne le vois plus qu’en songe
quelle douleur de ne communiquer qu’en rêve
Qui
commande aux songes
Qui
je ne vois plus le monde d’aujourd’hui
je vois celui d’avant
je suis partie pour le Royaume de Dieu
et je L’ai abandonné
pour celui de l’amour
quel est le sens
de ce mot
AMOUR
pour moi qui suis vieille
flasque
peau jaunie
accrochée à un squelette qui m’effraie
mon cœur de chair est intact
Seigneur
plus vaste encore
d’avoir été creusé par l’absence
belle et courtisée j’avais le cœur sec
lui m’a ouverte
à Votre amour
je suis maintenant dans les ténèbres
ainsi qu’il est dit
Jérémie ô Jérémie
la nuit du Jeudi Saint
il ne viendra plus / n’est-ce pas
je l’attends
j’entends des pas dans le couloir
écoutez
n’entrent à travers cette porte
que des ombres qui m’indiffèrent
Seigneur
vous connaissez le fond de mon cœur
et de ma tendresse
me voilà sans enfants
bréhaigne
égarée au terme de mon piétinement sans
fin
vers vous
Sentinelle de Lumière
je n’entends que ma voix
au milieu de la Nuit
que sont devenues les étoiles
Dieu devrait parler
Se tait
je supplie j’attends un signe
plus j’avance
et plus j’avance dans le silence
le cœur même de ma foi a été broyé
les voiles qui me protégeaient
un à un déchirés
me voici
dépouillée
en proie à l’épouvante
prise à la gorge
par la réalité
nue
RIEN
pas même la prière
n’a pu ôter de moi
cet amour enraciné en moi
cette voix dans ma gorge
devenue ma voix
les femmes sont fidèles à un lien
qu’elles ne délient pas
marquées
regard soudé à un regard
par l’œil de feu
pour le meilleur et le pire entre le pire
si Dieu est quelque part
il est dans cette flamme
QUI ME TUE
et me tient debout
braise qui noircit
Dieu grand
vous m’avez réduite à n’être rien
que mon amour
qui fut tout mon être
délivrez-moi
des soubresauts de cette vie
le néant
sera pour moi
la paix
Baptiste-Marrey / SMS (extrait)