« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Sonnets - XIII

 

 

 

 

 

 

Oh si j’estois en ce beau sein ravie

De celui là pour lequel vois mourant :

Si avec lui vivre le demeurant

De mes cours jours ne m’empeschoit envie :

 

Si m’acollant me disoit, chère Amie,

Contentons nous l’un de l’autre, s’asseurant

Que je tempeste, Euripe*, ne Courant

Ne nous pourra desjoindre en notre vie :

 

Si de mes bras le tenant acollé,

Comme du Lierre est l’arbre encercelé,

La mort venoit, de mon aise envieuse :

 

Lors que souef plus il me baiseroit,

Et mon esprit sur ses lèvres fuiroit**,

Bien je mourrois, plus que vivante, heureuse.

 

 

…………………

 

* Euripe : bras de mer qui sépare l’Eubée de la Béotie et célèbre pour ses violents courants
** C’est l’idée de la mors osculi : l’âme de l’aimée s’exhale sur les lèvres de son amant dans un éternel baiser

Louise Labé / Sonnets
Illustration : Buste imaginaire de Louise Labé de Jean Carriès, fin 19ème siècle