« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Test auditif

 

 

 

 

 

 

Il y a cinq ans une nuit, je crois

que j’ai compris les confidences des étoiles,

je ressentais un bonheur, plus vif même

que lorsque je dois choisir un mot

entre joie et satisfaction.

Il y a quatre ans, j’ai compris

les avertissements de la rivière, c’était

peu après m’être remis de ma course matinale ;

je ressentais de la colère, justement comme

on doit parfois être déraisonnable devant les charges.

Il y a bien longtemps, j’ai pu comprendre

le langage de la plupart des oiseaux,

mais il ressemblait trop au résultat de mes efforts

pour surmonter les hallucinations

Il y a seulement trois ans que je comprends

le langage des pierres ; c’est le seul

langage à pouvoir s’enrichir dans le silence.

J’avoue que c’était la première fois

que j’avais honte d’être éclairé.

Il y a deux ans, j’ai soudain compris

le langage des plants de riz : ils

sympathisent plus que je ne l’imaginais

avec les idées auxquelles nous devons recourir.

Il y a dix mois, j’ai eu l’impression

de comprendre l’argot des arbres fruitiers,

je ressentais un plaisir encore jamais éprouvé

Il y a sept semaines, j’ai compris

les paroles des poissons, elles

étaient même plus denses que les mots doux des amants.

Il y a neuf jours, j’ai commencé à comprendre

les paroles que dit le chat ; malgré quelques ambiguïtés,

ces paroles exactes étaient : « Je suis le chat ».

Il y a six heures, j’ai compris

les choses dont tu parles. Je sais que

tu soupçonnes que mes oreilles s’interrogent ;

mais par courtoisie, tu annonces seulement la formule,

et affirme « boire du miel avant de se coucher

surpasse toutes les panacées ».

 

 

 

Octobre 2000

Zang Di / Inspirations chinoises
Poèmes Traduits du chinois par Isild Darras
Illustration : photo Jean-Paul Noret