« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Saint-Étienne de Metz

 

 

 

 

 

Au cœur chaud des pierres jaunes, quand le soleil descend

Et nimbe de douceur les piliers de la cathédrale :

Tu avances à pas lents.

 

La gargouille en dentelle au ciel étend ses ailes

Et crache son dédain comme un nouveau venin

Vers les pavés séculaires.

 

Le mystère est entier de ces milliers de pierres

Et de ces âmes pieuses mourant sous le labeur intense :

Entends-tu les clameurs des mortels ?

 

Quand vient l’heure des Complies, tu reprends le chemin

De ton humilité qui te mène, yeux mi-clos, vers la voûte embrasée :

Tu cherches la lumière.

 

Les vitraux de Chagall ont filtré le couchant

Et donnent aux rayons la chaleur de l’espoir :

La nef est si haute soudain.

 

Le rouge allié au bleu par le jaune et le vert

Jette sur le dallage sa fusion d’aquarelle :

Rien ne bouge.

 

Tu voudrais te baisser pour prendre dans tes mains

Ces éclats que la pierre a transcendés du verre

Mais tout est fugitif.

 

Le halo des couleurs qui n’ont pas de frontières

A glissé lentement vers le pilier du chœur :

Tu goûtes la fraîcheur.

 

Dans un magma de nuages, Jacob entrevoit son échelle

Et le violon capricieux tire une larme au roi :

Le ciel est calme.

 

Les plis d’une robe bleutée se gonflent sous le souffle

D’un angelot caché au sommet du vitrail :

Les couleurs vacillent.

 

Du côté de Vaux, le soleil va s’abîmer bientôt

Dans l’océan des forêts qui veillent sur ce vaisseau.

 

La nuit viendra. 

Armand Bemer / Passerelles de vous à moi