« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Le compte est prêt

 

 




Entre mes mains j’ai remis mon esprit :

quand on n’a rien, ce n’est pas un gros prix —

le même mal et la même dépense

que l’animal pour mourir en silence.

Je suis né, j’ai rejoint, j’ai pris congé,

j’ai tenu bon même dans le danger.

Que s’amusât de moi quelque donzelle,

je la croyais, et bon payeur toujours —

quant aux faveurs parmi les messieurs sages,

rincé le pont, halé sur les cordages,

vendu de tout, crécelles, pain, bouquin,

journaux ou vers : ce qui s’achetait bien —

et pour finir, je crois, ni tendre corde

ni grand trépas, mais le drap qui me borde.

Le compte est prêt, à raison ou à tort.

J’ai vécu — d’autres déjà y ont trouvé la mort.

Attila József
traduit du hongrois par Kristina Rády