« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

ET SURTOUT QUE…

 

 

 

— Et surtout que Demain n’apprenne pas où je suis —

Les bois, les bois sont pleins de baies noires —

Ta voix est comme un son de lune dans le vieux puits

Où l’écho, l’écho de juin vient boire.

 

Et que nul ne prononce mon nom là-bas, en rêve,

Les temps, les temps sont bien accomplis —

Comme un tout petit arbre souffrant de prime sève

Est ta blancheur en robe sans pli.

 

Et que les ronces se referment derrière nous,

Car j’ai peur, car j’ai peur du retour.

Les grandes fleurs blanches caressent tes doux genoux

Et l’ombre, et l’ombre est pâle d’amour.

 

Et ne dis pas à l’eau de la forêt qui je suis ;

Mon nom, mon nom est tellement mort.

Tes yeux ont la couleur des jeunes pluies,

Des jeunes pluies sur l’étang qui dort.

 

Et ne raconte rien au vent du vieux cimetière.

Il pourrait m’ordonner de le suivre.

Ta chevelure sent l’été, la lune et la terre.

Il faut vivre, vivre, rien que vivre…

Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz / Poésies I, Les sept Solitudes