« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

FANTAISIE

 

 






Il est un air pour qui je donnerais

Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,

Un air très vieux, languissant et funèbre,

Qui pour moi seul a des charmes secrets !

 

Or, chaque fois que je viens à l’entendre,

De deux cents ans mon âme rajeunit…

C’est sous Louis treize ; et je crois voir s’étendre

Un coteau vert, que le couchant jaunit,

 

Puis un château de brique à coins de pierre,

Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,

Ceint de grands parcs, avec une rivière

Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;

 

Puis une dame, à sa haute fenêtre,

Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,

Que, dans une autre existence peut-être,

J’ai déjà vue… et dont je me souviens !

Gérard de Nerval / Odelettes