LA DÉCOURONNÉE
Par domcorrieras, le mardi 20 octobre 2015 - Poèmes & chansons - lien permanent
C’est un lien qui est si fort
Qu’il ne se déli’ qu’à la mort.
La Reine avait dit à la Mort :
« Le Roi que j’ai, je l’ai si fort
Que tu nous trouveras demain
Ma main vieille en sa vieille main
Et nous feras ton grand salut
Comme aux plus élus des élus. »
Rien n’a la Mort, rien répondu.
Elle a toute proche attendu
Et revenant le lendemain
A trouvé sans main dans la main,
Seule en son pauvre dernier jour
La Reine et grande ombre autour.
« Où donc est ton Prince ? Je viens
Vous honorer comme il convient. »
Tête basse, la Reine a dit :
« Que sais-je ? Ailleurs il est parti
Tout lent tout vieil et tout chenu
Hier et n’est pas revenu.
Quelqu’un l’a très tard emmené
— Où sais-je ? — en chemin détourné
Comme un roi lâche qui s’en va
Jetant sa couronne aux gravats
Et moi, honteuse, me voici
Sans lui découronnée aussi. »
— Ne pouvait-il, ah ! dit la Mort
Pour que fût ce saint lien d’or
Délié, me laisser le temps
De survenir en me hâtant
Avant qu’autre ne l’ait rompu ?
— Non ! dit la Reine, il n'a pas pu...
— Ah ! dit la Mort tant pis pour toi !
Tu n’auras pas honneur de moi.
Brisée avant l’ultime jour
La coupe de royal amour
Comme un vil verre de buveur !
Meurs sans joie et sans gloire. Meurs !
Marie Noël / Chants des Quatre-Temps.