« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Lettre III

 

 

 

 

 

5

 

 

    Ah coupable ingrate infidèle indigne malheureuse ah! folle méchante jalouse furieuse forcenée! Ah troublée séduite éperdue égarée! Ah comblée! Abandonnée! Que dis-tu insensée? Qu’il meure? Non, cent fois non. Plutôt noyée par mes larmes que savoir un seul de ses cheveux compté à douleur. Le cilice par mes reins plutôt, plomb fondu dans mon sexe, mes lèvres cousues, mes seins en perce, quatre chevaux piqués aux quatre fers pour mes bras mes jambes plutôt qu’une éraflure à son épaule. La honte en lettres rouges sur mon front, le mépris des miens, la mise au rebut, la rigueur effroyable des lois de ce pays plutôt que l’échec de ses entreprises. plutôt le feu de ses reproches et son ingratitude cruelle que l’affaiblissement de son nom. Servante aux pieds de sa maîtresse plutôt que la disgrâce de son corps. Oui, mille morts, mille douleurs et l’Enfer pour moi plutôt que renier un seul instant la hauteur, la largeur, la profondeur de nos transports. Oui, vivez longtemps, mon infidèle ami, vivez et faites-moi souffrir encore plus de maux.

Guy Goffette / Mariana portugaise / Lettre III