À la nage jusqu’en Bolivie
Par domcorrieras, le lundi 17 août 2015 - Poèmes & chansons - lien permanent
à Edgardo Zotto
Fidel, mon fidèle frère le matin,
j’ai trente-neuf ans et je suis triste,
triste dans le marécage de ma furie.
Ne me demande pas d’être patient,
mille ans vietnamiens contre la Chine…
je suis médecin, je dois attaquer la maladie.
Je dois briser le feu de ce néant.
Au milieu de la jungle, je rêve des villes.
Mon frère de l’absolu,
vingt-sept tirs contre un blindé
arment une écriture
et non l’écho de la mort animale dans les arbres.
J’incarne l’Idéal avec ma barbe pleine de poux ?
Je suis celui qui doit se perforer avec l’acier
pour conquérir la bouffée d’air.
Je fus étranger chez moi :
j’ai nagé pour ma mère, cassé de froid,
il fallait m’apprendre à respirer.
J’étais l’autre Ernesto Guevara, le fils.
Quand l’air arrivait dans mes poumons
il arrivait par erreur.
Quand je pense que j’ai goûté au rugby…
Si même je ressemble à un prolétaire yankee
malade d’humidité
dans cette jungle presque congolaise
où le commando Jimi Hendrix chante :
Hey, Joe
I heard you shot your woman down.
« Un oiseau mort, corps sans vie
sur la porte : mauvais présage
pour commencer la journée »,
je l’entends dire d’un des nôtres.
Il n’y a pas de portes dans la jungle, je dois rêver.
Il n’y a ni adrénaline, ni épinéphrine, ni mine
mais je suis écrivain :
je suis armé.
Beatriz Vignoli / Santa Fe - Huit poètes argentins