« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

À contrecœur

 

 

 

 

 

Errant par les champs et les bois,

        Franchissant les murs, à ma guise,

Je suis monté aux belvédères

        Voir le monde, et suis revenu ;

Je suis rentré par la grand-route,

        Et ce fut tout.

 

Au sol, toutes les feuille sont mortes,

        Sauf celles que garde le chêne

Pour les effranger une à une

        Et les abandonner, rampantes

Et raclant la croûte de neige,

        Quand d’autres dorment.

 

Elles gisent, pressées, inertes,

        Le vent ne les fait plus valser ;

L’aster, demeuré seul, est mort.

        Les fleurs du noisetier se fanent ;

Le cœur souffre et veut repartir,

        Mais les pieds demandent : Où donc ?

 

Ah ! depuis quand le cœur de l’homme

        Ne tient-il pas pour trahison

De dériver au fil des jours,

        D’acquiescer à la raison,

De s’incliner devant la fin

        D’un amour ou d’une saison ?

Robert Frost / Anthologie de la poésie américaine contemporaine par Maurice Le Breton