« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Faren­heit 451

 

 

 

 

.../...

 

        ­Mon­tag rega­gna sa pro­pre mai­son. Lais­sant la fenê­tre ouverte, il jeta un œeil sur Mil­dred, la borda avec soin, puis alla s’éten­dre, le clair de lune sur ses pom­met­tes et les rides de son front, dis­tillé dans cha­cun de ses yeux pour y for­mer une cata­racte d’argent.

        Une goutte de pluie. Cla­risse. Une autre goutte. Mil­dred. Une troi­sième. L’oncle. Une qua­trième. Le feu de ce soir. Une, Cla­risse. Deux, Mil­dred. Trois, l’oncle. Qua­tre, le feu. Une, Mil­dred, deux, Cla­risse. Une, deux, trois, qua­tre, le feu. Une, Cla­risse. Deux, Mil­dred. Trois, l’oncle. Qua­tre, le feu. Une, Mil­dred, deux, Cla­risse. Une, deux, trois, qua­tre, cinq, Cla­risse, Mil­dred, l’oncle, le feu, les com­pri­més de som­ni­fère, les hom­mes, mou­choirs jeta­bles, bas­ques, on se mou­che, on froisse, on jette, Cla­risse, Mil­dred, l’oncle, le feu, com­pri­més, mou­choirs, on se mou­che, on froisse, on jette. Un, deux, trois, un, deux, trois ! Pluie. Orage. L’oncle qui rit. Le ton­nerre qui dégrin­gole les esca­liers. Le monde entier qui se répand en eau. Le feu qui jaillit en vol­can. Tout qui se met à déva­ler dans un gron­de­ment, en un tor­rent impé­tueux qui se pré­ci­pite vers le matin.

        «Je ne sais plus rien», dit-il, et il laissa fon­dre sur sa lan­gue un losange dis­pen­sa­teur de som­meil. 


.../...









 

 

Ray Brad­bury / Faren­heit 451 (extrait)