« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

fallait-il cracher sur l’étincelle ?

 

 

 

 

La brousse brune de ton pubis

ces lèvres qui effleurent la naissance de chaque arbre

j’entends le cœur de la forêt

ses battements de chlorophylle sous nos côtes

la main caresse le vallon du ventre

terre mordorée et lisse, à peine foulée

le bois craque sous nos pas

les strates muscinales nous sont un lit

et les drapés du monde

à eux seuls froissés, humides et blancs

secousses du vent dans les branchages délicieux que tes veines

rainures nerveuses de ton sang, l’odeur fraîche

phéromone émeraude, l’humus, le chèvrefeuille

mon tronc se cambre sur ta souche, arborescence seconde

bielle végétale de la danse

les soleils jades entre les feuilles

c’est l’été qui perle en ton dos

angles de tes hanches qui m’assaillent, me portent en l’air

dans cette chambre les ramures montent au ciel

et je grimpe avec elles

l’eau jaillit de mes roches, s’écoule sur tes sépales

un mince filet luisant parcourt le fin duvet

ta mousse, l’écorce de ta bouche, la sève, ton sperme

scintillances parsemées le long des pierres de mes genoux.

 

J’ai touché, j’a perdu

fallait-il cracher sur l’étincelle ?

 

Dans la sciure de nos vies, une brindille a pris feu

et sont les spathes de l’ombre dont la sève était sèche

qui s’enflamment désormais

les ajoncs dessortent leurs épines, leur astre disparaît

émane l’odeur âcre, étouffante « ça suffit »

très vite propagée de la base à la cime

tout flambe, tombe et s’envole mais l’air n’existe plus

calcin mon corps, le cœur que tu ne crois plus

du sous-bois de ton âme monte l’incandescence

charnier des impossibles, sylve en feu du dégoût

avec elle l’imposture et les bons sentiments

le bois brut se consume jusqu’aux racines des doutes

massacre de la lande docile, brûlée des confiances

l’épaisse fumée informe le souvenir, on n’entend rien

que le vent s’insinuer en un creux chemin

qui sera ton tombeau, amant-parjure

chaudes les cendres noires, chancelantes des séparations

les dépôts de poussière de nous stériles d’alors.

 

Qui se pose doucement sur le seuil

d’un bourgeon miraculé ?

Julie Quéré / mai 2008 Publié dans Action Poétique / N° 206, avant-dernier…