fallait-il cracher sur l’étincelle ?
Par domcorrieras, le vendredi 3 juillet 2015 - Poèmes & chansons - lien permanent
La brousse brune de ton pubis
ces lèvres qui effleurent la naissance de chaque arbre
j’entends le cœur de la forêt
ses battements de chlorophylle sous nos côtes
la main caresse le vallon du ventre
terre mordorée et lisse, à peine foulée
le bois craque sous nos pas
les strates muscinales nous sont un lit
et les drapés du monde
à eux seuls froissés, humides et blancs
secousses du vent dans les branchages délicieux que tes veines
rainures nerveuses de ton sang, l’odeur fraîche
phéromone émeraude, l’humus, le chèvrefeuille
mon tronc se cambre sur ta souche, arborescence seconde
bielle végétale de la danse
les soleils jades entre les feuilles
c’est l’été qui perle en ton dos
angles de tes hanches qui m’assaillent, me portent en l’air
dans cette chambre les ramures montent au ciel
et je grimpe avec elles
l’eau jaillit de mes roches, s’écoule sur tes sépales
un mince filet luisant parcourt le fin duvet
ta mousse, l’écorce de ta bouche, la sève, ton sperme
scintillances parsemées le long des pierres de mes genoux.
J’ai touché, j’a perdu
fallait-il cracher sur l’étincelle ?
Dans la sciure de nos vies, une brindille a pris feu
et sont les spathes de l’ombre dont la sève était sèche
qui s’enflamment désormais
les ajoncs dessortent leurs épines, leur astre disparaît
émane l’odeur âcre, étouffante « ça suffit »
très vite propagée de la base à la cime
tout flambe, tombe et s’envole mais l’air n’existe plus
calcin mon corps, le cœur que tu ne crois plus
du sous-bois de ton âme monte l’incandescence
charnier des impossibles, sylve en feu du dégoût
avec elle l’imposture et les bons sentiments
le bois brut se consume jusqu’aux racines des doutes
massacre de la lande docile, brûlée des confiances
l’épaisse fumée informe le souvenir, on n’entend rien
que le vent s’insinuer en un creux chemin
qui sera ton tombeau, amant-parjure
chaudes les cendres noires, chancelantes des séparations
les dépôts de poussière de nous stériles d’alors.
Qui se pose doucement sur le seuil
d’un bourgeon miraculé ?
Julie Quéré / mai 2008 Publié dans Action Poétique / N° 206, avant-dernier…