« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

A Priego

 

 

 

Vers ces pâturages, vers ces aires

j’accours.

Depuis mille ans

je vous connais.

je vous ai toujours vues ainsi : devant votre porte.

Sans jamais aller à l’oliveraie, sans descendre

au moulin, sans porter le linge à la rivière.

mon cœur rôde autour

de cette place, devant ces portes

de la vieillesse. Mais,

de quoi parliez-vous ?

Mon cœur rôde toujours.

Ah, mes sœurs, la bonne vie. Cousez, cousez,

vieilles sœurs

de ma douleur, reprisez à temps

mon retard, donnez-moi la bouche, l’onguent

du bien, votre mystérieuse

sagesse, confiez-moi l’art

des guérisseurs : eau de mauve,

cataplasmes, vernis

populaires, herbes

bénies.

Pourquoi alors parler

du temps ?

Sœurs, vieilles de ces lieux,

vers ces aires, vers ces pâturages j’accours

comme un fou.

Mon cœur rôde toujours, et sous vos habits de bure

il voudrait avoir accueil, cachette et linceul.

Je reviendrai ici mourir;

sous ces jambes, parmi les cuisses de la vieillesse,

vies vraiment finies, faubourgs

et coiffes, fête et vers rongeurs.

Faites-moi voler,

prêtez-moi des ailes

ou la cour où vous aviez aimé !

Je suis revenu aujourd’hui

vers ces pâturages, vers ces aires

du bon pain

et du blé lumineux.

Diego Jesús Jiménez / Chœurs d’âmes (1968)