« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Tango du mauvais consommateur

 

 






Je sais que je ne mérite pas 

ces louanges, ces attentions :

messieurs, s’il vous plaît,

je ne m’estime pas digne

des visées de la publicité

qui, toujours en éveil,

et avec tant de zèle

m’incite à vivre mieux.

 

Si je peux soigner mon estomac

et mettre mon corps à l’abri

du vent, je suis content ;

je ne veux d’autre confort.

Occupez-vous de mon prochain,

du pauvre, tant qu’il existera,

et que cessent les assauts

de tous ces vendeurs.

 

Avec musiques et danses,

avec potions et rites,

d’innombrables produits

me veulent pour maître.

Toute chose tend vers un paradis

de consommation croissante :

moi, je rougis de confusion :

je suis un mauvais consommateur.

José María Valverde / « Años inciertos » in « Poesías reunidas »
Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet