« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Pauvres gens !

 

 



 

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As viagens, os viajantes —tantas especies dêles! Tanta nacionalidades sobre o mundo! tanta profissão! tanta gente! tanto destino diverso que se póde dar á vida, A vida, afinal, no fundo sempre, sempre a mesma! Tantas caras curiosas! Todas as caras são curiosas E nada traz tanta religiosidade como olhar muito para gente. A fraternidade afinal não é uma idéa revolucionaria. É uma cousa que agente aprende pela vida fóra, onde tem que tolerar tudo, E passa a achar graça ao que tem que tolerar, E acaba quasi a chorar de ternura sobre o que tolerou!
Ah, tudo isto é belo, tudo isto é humano e anda ligado Aos sentimentos humanos, tão conviventes e burguezes, Tão complicadamente simples, tão metafisicamente tristes! A vida flutuante, diversa, acaba por nos educar no humano. Pobre gente! pobre gente toda a gente!

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Les voyages, les voyageurs — il y en a tant de sortes !
Tant de nationalités par le monde ! tant de professions ! tant de gens !
Tant de multiples destins qu'on peut donner à la vie,
À la vie, finalement, au fond toujours, toujours la même !
Tant de visages étonnants ! Tous les visages sont étonnants
Et rien ne crée autant de religiosité que regarder beaucoup les gens.
La fraternité finalement n'est pas une idée révolutionnaire.
C'est une chose qu'on apprend tout au long de la vie, où il faut tout tolérer,
Et on en vient à trouver drôle ce qu'il faut tolérer,
Et on finit presque par pleurer de tendresse sur ce qu'on a toléré !

Ah, tout ça est beau, tout ça est humain et va de pair
Avec les sentiments humains, si conviviaux et bourgeois,
Si complexement simples, si métaphysiquement tristes !
La vie fluctuante, multiple, finit par nous éduquer à l'humain.
Pauvres gens ! pauvres gens tous les gens !

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Fernando Pessoa / Ode maritime (extrait),
traduction du portugais par Dominique Touati, revue par Parcídio Gonçalves et Claude Régy.