LE TOMBEAU DÉSIRÉ
Par domcorrieras, le jeudi 29 novembre 2012 - Poèmes & chansons - lien permanent
C'est au milieu de l'obscur sentier d'un faubourg
qu'il faudra m'enterrer. Et que mon tombeau soit
l'endroit reculé propice aux rencontres.
Que le garçon seul et désespéré
vienne en ses errances s'y masturber;
que l'amoureux sans chambre où infliger
à sa belle les derniers outrages l'amène
et la force et puis la viole sur ma tombe;
que l'inverti vienne à côté s'agenouiller
devant celui-là qui monnaie son sperme,
ou baisse son pantalon pour s'offrir,
ses mains prenant appui sur cette pierre.
Que des bandes de voyous y entraînent
la jeune fille qu'ils ont kidnappée
en la laissant prostrée et toute en sang.
Que les prostituées vulgaires, pouilleuses,
constellent la dalle d'humeurs glaireuses
après s'être vendues à de pauvres vieillards.
Que les enfants, qui viennent dans leurs jeux
s'amuser près de moi, sans marcher dans les coins
sur les étrons plus puants que la mort,
qui sont l'humaine trace des sentiers,
y découvrent, sans vraiment les comprendre,
les taches desséchées de ce qui fut violence
ou bien encore désir ou ce qu'on nomme vice,
qu'en riant ils les lavent de leur brûlante pisse
chuintant sur la pierre qui me recouvrira
- et reviennent un jour pour les recommencer.
Jorge de Sena / Traduit du Portugais par Michelle Giudicelli