« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Signal

 

 

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Entre les trames bridées d'une robuste légende

mon vers hésite au-delà des pas

la route me happe à l'étincelant tournant

dans les mailles cahotantes où le mal engrenant

engloutit la clé de ma raison errante

malle vide abandonnée dans la brumeuse hôtellerie du sort

sur les routes — faut-il que je les parcoure toutes —

qui n'a pas encore trouvé sa dalle arrosoir de mélancolie

pourquoi t'ai-je quittée de la prodigieuse tristesse marquée

que tu guérisses aussi vite que la parole du lumineux est vraie

l'oiseau à ta trace accroché de nuit élaboré

tête de flèche a glissé plaintif archet le long du rail

la nuit a éteint la vive distance en berne

versant des seaux de terre entre nos éveils de flamme se dresse

 

je ne puis pas t'écrire

je suis trop sale du mélange de sommeil de suie

que le train a agité toute la nuit

dans la bouteille de la nuit

et pourtant les paysages juxtaposés aux solennelles indécisions des hanches   

par mille détours de croupissantes ciselures te feraient comprendre

qu'entre l'amour et la maudite coïncidence

j'ai planté le grain de ton savoureux chagrin

mais nous sommes si éloignés de la chantante étreinte

qui unit à l'amitié la chair flexible de destins

les couloirs des wagons sont sales

les coussins se durcissent sous nos têtes comme nos têtes

et le pouvoir de celui qui nous envoie à travers le monde

en longues files d'orages migrateurs

dans les canots et ses trains de calcinants sortilèges

annonce l'éclipse des voix au thermomètre de nos veines

vois nos veines

chahutées basculées sursauts que la balance entraîne

mais quelle obscurité soudaine enlève les couleurs comme des chemises

leurs chemises

aux collines voluptueuses

la lumière de tes cheveux étouffe dans le tunnel et le tunnel

Tristan Tzara / Indicateur des chemins de cœur