SERENA II
Par domcorrieras, le vendredi 22 juillet 2011 - Poèmes & chansons - lien permanent
cette planète clonique
souffle saccadé, la chienne sombre dans un sommeil troublé,
elle est obèse, à demi morte, le reste à l'avenant,
écartez le pelage noir, la peau
est d'un bleu pastel ;
va, gronde et hurle dans les bois, réveille tous les oiseaux,
débusque les drôlesses hors des hautes fougères,
ce crépuscule, folle brebis qui se débat dans les buissons
bêlant pour qu'on l'ensanglante,
ce crapuleux silence
arrache-lui le cœur
elle tremble de nouveau dans ses rêves
revenue aux sombres jours d'antan, pantelante,
prisonnière des Pins à l'heure de sa souffrance,
la guenipe se convulse, elle pense qu'elle va mourir ;
la lumière faiblit, il est temps de s'étendre,
Clew Bay vasque de fleurs curcuma,
la brune grimpe Croagh Patrick en hindou pour dépiter un pèlerin
elle est prête, elle s'est éployée sur toutes les îles de gloire
qui remorquent maintenant hors la contrée condamnée,
avec le oh hisse et oh ! d'un équipage de cygnes,
ce crépuscule de guirlandes sabbatiques et leurs bancs d'algues tréssées ;
dans un trou de tourbière elle met bas ses petits,
les baleines dansent dans Blacksod Bay,
les asphodèles s'en viennent à la poursuite des pavois,
elle pense qu'elle va mourir, elle a honte
elle m'a emmené là-haut voir une cascade
d'où, comme feuilletons d'une enfance,
voyez Meath qui brille dans l'échancrure des collines,
trésor à jamais perdu des bouquets de mélèzes,
ruée des sentiers et des ruisseaux qui fuient vers la mer,
clochers en miniatures et puis le port
comme une femme qui s'apprête à protéger ses seins,
et elle m'a quitté
quelle qu'ait pu être au départ notre provende de panique
elle ne sera pas moindre lorsque nous reviendrons,
nulle perte de panique à prévoir entre un homme et son chien,
fut-il une chienne
toute détrempée une boîte de Jouvence de l'Abbé Soury
dénichée dans un cairn
c'est pis que rêve
folle rebelle la salope ne peut se calmer
cette planète clonique
tous ces fantômes dont l'image frissonne et se brouille
il est vain de fermer les yeux
tous les accords de la terre arpégés comme les fracasse un pianiste
les crapauds de nouveau en vadrouille
se faufilant vers leurs pièges
les contes de fées de Meath sont terminés
alors dis tes prières et va te coucher
avant que les réverbères commencent à chanter derrière les mélèzes,
tes prières
auprès de ces genoux de pierre
et puis bisous d'adieu sur les os
Samuel Beckett / Les Os d'Écho et autres précipités