Amis morts vous qui étiez

assis près de ma fenêtre

vous qui faites le métier

aujourd'hui de disparaître

me direz-vous ce qu'on est

au tournant de la grand'route

lorsque le corps qui revêt

l'esprit est chose dissoute

Votre souffle face au vent

invente le bouche à bouche

qui de l'ancien vivant

fait une fuite farouche

Dans vos os dont le sol sec

a bu la baveuse moëlle

la fourmi s'accouple avec

le silence des étoiles

Amis morts amis sans corps

Rolands qui sonnez du cor

dans d'abruptes Pyrénées

pourquoi votre âme renée

me parle-t-elle plus fort

depuis que vous êtes morts ?

Vous ne répondez jamais

Vous fuyez les mots qui mentent

vous qu'emporte en sa forêt

la puissance transformante

Suivant vos pas sur la piste

d'un pays ancien

je vous crie : amis le Rien

est-ce que le Rien existe ?

Roger Bodart / La Route du sel et autres poèmes