« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Dernier rêve aux champs

 

 





Tout m'abuse à présent, je me leurre moi-même. Je crois vivre, je vis comme le jour se traîne, comme le jour à son déclin, comme un vieux vagabond qui résiste, humant l'air, et se dit : « Mon cœur bat, mais il ne vaut plus cher. Il me faudrait le médecin »,

 

et qui descend, plaintif, le revers du chemin jusqu'au bord du fossé, pour s'endormir enfin dans le silence de la plaine. Une étoile scintille. Il la voit si sereine, qu'avant de s'endormir il lui confie sa peine : « J'ai gros cœur pour de vieux chagrins.»

 

Il rêve que l'étoile, ouvrant la nuit, l'appelle dans les plus bleus jardins de la Mort éternelle. Il s'endort, abusé du ciel. Mais la nuit, que fait-elle ? et la Mort, que fait-elle ? — L'une emporte l'étoile. — L'autre oublie dans la Vie le vieux vagabond que je suis.

Paul Fort