« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

J'entends le vent

 

 



 

 

             Il fait nuit. Il pleut. Il pleut depuis huit jours. Depuis huit jours je ne fais rien. Je reste debout devant ma fenê­tre et je regarde dehors. Dehors, il pleut. Le vent rabat par rafa­les la fumée dans ma cham­bre. Alors j’ouvre ma porte, je fais une dizaine de pas dehors, sous la pluie, et je ren­tre, et je referme ma porte, et je retourne me plan­ter devant ma fenê­tre. Je regarde dehors. Dehors, il pleut.

             Je m’étends deux, trois fois dans la jour­née. Je suis très las. Je m’endors immé­dia­te­ment. J’entends les oiseaux dans mon som­meil. Je me réveille immé­dia­te­ment. Je retourne me plan­ter davant ma fenê­tre. Je regarde dehors. Dehors, il pleut.

             ­Puis, c’est la nuit. La nuit noire. Je n’allume pas ma lampe. Je reste debout dans le noir à regar­der dehors. Il pleut tou­jours. Je l’entends. J’entends le vent.

             La nuit est noire, noire comme les nuits du front, quand je res­tais planté dans la boue à regar­der par mon cré­neau. La nuit était noire, la nuit était lon­gue, j’enten­dais le vent, la pluie finis­sait par me dégou­li­ner dans le cou et, quand je som­meillais, j’enten­dais éga­le­ment des oiseaux. Je me réveillais en sur­saut. J’étais là, planté dans la boue. Je regar­dais par le cré­neau. On ne voyait rien. Il fai­sait noir. J’enten­dais le vent. La pluie cin­glait.

Blaise Cen­drars / Les con­fes­sions de Dan Yack / Rou­leau six (extrait)