« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

France, jadis on te sou­lait nom­mer

 

 





France, jadis on te sou­lait* nom­mer,

En tous pays, le tré­sor de noblesse,

Car un cha­cun pou­vait en toi trou­ver

Bonté, hon­neur, loyauté, gen­tillesse,

Cler­gie, sens, cour­toi­sie, prouesse.

Tous étran­gers aimaient te sui­vre.

Et main­te­nant vois, dont j’ai déplai­sance,

Qu’il te con­vient maint grief mal sous­te­nir,

Très chré­tien, franc royaume de France.

 

Sais-tu d’où vient ton mal, à vrai par­ler ?

Con­nais-tu point pour­quoi es en tris­tesse ?

Con­ter le veux, pour vers toi m’acquit­ter,

Ecoute-moi et tu feras sagesse.

Ton grand orgueil, glo­ton­nie, paresse,

Con­voi­tise, sans jus­tice tenir,

Et luxure, dont as eu abon­dance,

Ont pour­cha­cié vers Dieu de te punir,

Très chré­tien, franc royaume de France.

 

Ne te veuilles pour­tant déses­pé­rer,

Car Dieu est plein de merci, à lar­gesse.

Va-t’en vers lui sa grâce deman­der,

Car il t’a fait, déjà piéça, pro­messe

(Mais que fas­ses ton avo­cat Hum­blesse)

Que très joyeux sera de te gué­rir;

Entiè­re­ment mets en lui ta fiance,

Pour toi et tous, vou­lut en croix mou­rir,

Très chré­tien, franc royaume de France…

 

Et je, Char­les, duc d’Orléans, rimer

Vou­lus ces vers au temps de ma jeu­nesse ;

Devant cha­cun les veux bien avouer,

Car pri­son­nier les fis, je le con­fesse ;

Priant à Dieu, qu’avant qu’aie vieillesse,

Le temps de paix par­tout puisse ave­nir,

Comme de coeur j’en ai la dési­rance,

Et que voie tous tes maux brief finir,

Très chré­tien, franc royaume de France !

 

(*) avait l’habi­tude

Char­les d’Orléans