« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

l'intention marquée de l'artiste

 

 




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   La che­ve­lure rele­vée sur le front, parais­sait avoir été dorée autre­fois. La tête, petite comme celle de pres­que tou­tes les sta­tues grec­ques, était légè­re­ment incli­née en avant. Quant à la figure, jamais je ne par­vien­drai à expri­mer son carac­tère étrange, et dont le type ne se rap­pro­chait de celui d’aucune sta­tue anti­que dont il me sou­vienne. Ce n’était point cette beauté calme et sévère des sculp­teurs grecs, qui, par sys­tème, don­naient à tous les traits une majes­tueuse immo­bi­lité. Ici, au con­traire, j’obser­vais avec sur­prise l’inten­tion mar­quée de l’artiste de ren­dre la malice arri­vant jusqu’à la méchan­ceté. Tous les traits étaient con­trac­tés légè­re­ment : les yeux un peu obli­ques, la bou­che rele­vée des coins, les nari­nes quel­que peu gon­flées. Dédain, iro­nie, cruauté, se lisaient sur ce visage d’une incroya­ble beauté cepen­dant. En vérité, plus on regar­dait cette admi­ra­ble sta­tue, et plus on éprou­vait le sen­ti­ment péni­ble qu’une si mer­veilleuse beauté pût s’allier à l’absence de toute sen­si­bi­lité.
 

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Pros­per Méri­mée / "La Vénus d’Ille" (extrait)