Et l'animal en prit tant de force
Par domcorrieras, le samedi 15 novembre 2008 - Poèmes & chansons - lien permanent
IV
Ô c’est lui, l’animal qui n’existe pas.
Eux qui n’en savaient rien, n’importe — sa démarche,
son maintien, son encolure, et sa lumière
aussi du calme regard —, ils l’ont aimé.
Il n’était pas, non. Mais parce qu’ils l’aimaient,
il y eut un animal pur. Dans l’espace,
réservé et clair, qu’ils lui laissaient toujours,
tout à l’aise il levait la tête et sans presque
besoin d’être. Ils le nourrissaient non de grain,
mais de la possibilité, d’être seule,
qu’il soit. Et l’animal en prit tant de force
qu’une corne à son front jaillit. Unicorne.
D’une jeune vierge il s’approcha, tout blanc —
et fut en son miroir d’argent et en elle.
Rainer Maria Rilke / Les sonnets à Orphée