« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

Même quand mon souvenir...

 

 





Même quand mon sou­ve­nir affai­bli,

pareil aux trams d’après minuit,

ne s’arrê­tera plus qu’aux prin­ci­paux arrêts,

jamais je ne t’oublie­rai.

 

Je gar­de­rai en mémoire

le cré­pus­cule immense et silen­cieux de ton regard,

et ce gémis­se­ment étouffé con­tre mon épaule

comme les flo­cons d’une neige un peu folle.

 

C’est l’heure de se sépa­rer.

Je vais m’en aller loin de toi.

Rien là qui puisse éton­ner.

Pour­tant, une autre nuit, les doigts

d’un autre dans tes che­veux vien­dront

s’entre­la­cer aux miens, mes doigts

de mil­liers de kilo­mè­tres de long.









 

Ismaïl Kadaré, poète, écri­vain alba­nais / Poè­mes (Nou­velle édi­tion 1957-1997.
Paris : Édi­tions Fayard 1997) / Même quand mon sou­ve­nir… (1961)
ver­sion fran­çaise éta­blie par Claude Durand et l’auteur, avec la col­la­bo­ra­tion de Mira Mexi, Edmond Tupja et Jusuf Vrioni