« Il n'y a pas de plus grand poète.
Il y a la poésie. »

Paul Fort (Canzone du vrai de vrai / Portraits sur le sable)

La chanson du spectre

 

 

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Qui donc êtes-vous, la belle ?

Com­ment vous appe­lez-vous ?

Une vierge était chez nous ;

Ses yeux étaient des bijoux.

Je suis la vierge, dit-elle.

Cueillez la bran­che de houx.

 

Vous êtes en blanc, la belle ;

Com­ment vous appe­lez-vous ?

En gar­dant les grands bœufs roux,

Claude lui fit les yeux doux.

Je suis la fille, dit-elle.

Cueillez la bran­che de houx.

 

Vous por­tez des fleurs, la belle ;

Com­ment vous appe­lez-vous ?

Les vents et les cœurs sont fous,

Un bai­ser les fit époux.

Je suis l’amante, dit-elle.

Cueillez la bran­che de houx.

 

Vous avez pleuré, la belle ;

Com­ment vous appe­lez-vous ?

Elle eut un fils, prions tous,

Dieu le prit sur ses genoux.

Je suis la mère, dit-elle.

Cueillez la bran­che de houx.

 

Vous êtes pâle, la belle ;

Com­ment vous appe­lez-vous ?

Elle s’enfuit dans les trous,

Sinis­tre, avec les hiboux.

Je suis la folle, dit-elle.

Cueillez la bran­che de houx.

 

Vous avez bien froid, la belle ;

Com­ment vous appe­lez-vous ?

Les amours et les yeux doux

De nos cer­cueils sont les clous.

Je suis la morte, dit-elle.

Cueillez la bran­che de houx.









 

Vic­tor Hugo / La chan­son du spec­tre / Toute la lyre